Ce qu’on appelle « effet maître » ou « effet enseignant »

Ce qu’on appelle « effet maître » ou « effet enseignant » réfère à l’effet important sur la réussite des facteurs liés à la personne enseignante (interventions, relations, etc.) Selon certains, l’effet maître serait si puissant qu’il pourrait surmonter les conditions socioéconomiques des élèves et les effets de la rationalisation des ressources. La relation maître élève serait donc le principal déterminant du succès scolaire et le personnel enseignant le premier responsable de la réussite ou de l’échec.

Il n’est pas ici question d’écarter ces facteurs de l’équation de la réussite : les enseignantes et enseignants savent bien que leur rôle est central. Il est toutefois important de nuancer cette conclusion de plus en plus invoquée pour alourdir les mécanismes de contrôle : la réussite est multifactorielle et tout ne repose pas sur les épaules des enseignantes et enseignants.

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« Les interventions des enseignants et la qualité de la relation qu’ils tissent avec les élèves sont les premiers déterminants de la réussite de nos enfants. Je le sais. Vous le savez aussi. C’est même prouvé scientifiquement! » (Jean-François Roberge, Plan de valorisation de la profession enseignante, mai 2018.)

Ce qu’on appelle « effet maître » ou « effet enseignant » réfère à l’important effet sur la réussite des facteurs liés à la personne enseignante (interventions, relations, etc.).

Gauthier, Bissonnette et Richard vont même jusqu’à affirmer, en référant aux travaux d’Hattie, qu’auparavant « on attribuait à des facteurs périphériques à l’école, tel le milieu socioéconomique, un rôle primordial. Or, à la suite de nombreuses études réalisées depuis, on a maintenant pu mettre en évidence ce qui est désormais appelé l’effet-enseignant ». En somme, l’effet maître serait si puissant qu’il pourrait surmonter les conditions de pauvreté et de rationalisation des ressources. Les enseignants seraient ainsi les premiers responsables de la réussite et de la non-réussite scolaires. En standardisant leurs pratiques, on pourrait donc significativement augmenter les taux de réussite.

QUELQUES NUANCES

Il n’est pas ici question d’écarter ces facteurs de l’équation de la réussite : les enseignants, d’expérience, savent bien que leur rôle est central! Or, il est important de nuancer cette conclusion, de plus en plus invoquée pour alourdir les mécanismes de contrôle, en regardant de plus près les propositions d’Hattie et en examinant d’autres postulats issus de l’expérience et de la recherche. Le personnel enseignant le sait aussi d’expérience : la réussite est multifactorielle, et tout ne repose pas sur ses épaules.

L’initiative gouvernementale Réunir pour réussir a colligé plusieurs déterminants de la réussite éducative : des facteurs scolaires, mais aussi familiaux, personnels, et sociaux. Des travaux du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), dont le rapport Remettre le cap sur l’équité (2014-2016), démontrent les impacts négatifs des inégalités sur la réussite des élèves. Sans des politiques de lutte à la pauvreté et à l’exclusion conséquentes, les efforts importants du monde de l’éducation, dont ceux pour faire des enseignantes et des enseignantes un personnel « à valeur ajoutée », demeureront fortement entravés.

LA CRITIQUE D’UN STATISTICIEN

Prenons l’effet d’ampleur calculé par Hattie dans sa méga-analyse. Les facteurs reçoivent un indicateur d’efficacité variant généralement de 0 à 1 mais pouvant aussi se situer sous zéro (effet négatif sur la réussite), 0,4 étant le seuil d’efficacité statué par Hattie. Lorsqu’on examine de plus près certains facteurs, on constate qu’en effet, un facteur composant l’effet enseignant, comme la relation maître-élève, obtient une cote de 0,72, mais que le statut socioéconomique est aussi un facteur de réussite élevé avec 0,59.

Qu’en est-il de la composition même de cet indicateur d’efficacité ? Le statisticien sénior et professeur auxiliaire à l’Université d’Ottawa Pierre-Jérôme Bergeron adresse d’importantes critiques : le statisticien s’interroge sur le « sens de la comparaison ». En effet, en comparant les plus riches aux plus pauvres, on obtient 0,59, comme quoi un statut socioéconomique élevé est un facteur de succès scolaire : « On pourrait tout aussi bien comparer les plus pauvres aux plus riches et, parce que les défavorisés ont moins de succès scolaire, l’effet d’un faible statut socioéconomique deviendrait -0,59, le plus négatif de tous. » Organiser le système d’éducation de façon à atténuer le plus possible l’effet des inégalités sociales deviendrait alors une intervention prioritaire, selon les données probantes ! Or, selon Bergeron, « l’effet du statut socioéconomique est grand (0,59), mais puisque Hattie ne peut changer le statut socioéconomique des élèves, il ne s’en préoccupe pas ».

Ce texte est tiré du cahier de participation au réseau d’action sociopolitique de la FAE (p. 24). Les sources y figurent.